s'incruster ou s'imposer? Telle est la question...

Je me demande toujours ce que je suis en train de faire. 'y a pas idée d'héberger un inconnu, qui plus est mineur, chez soi ! Je veux porter plainte...je vais porter plainte, ce n'est pas possible ! On est presqu'arrivé...enfin mon chez moi est à quelques pas. C'est étrange, il n'y a pas beaucoup de monde aujourd'hui...il n'y a personne en faite. Le petit me suit toujours...d'ailleurs il a l'air fin dans sa tenue de patient, il faudra qu'il s'achète de quoi s'habiller, je ne veux pas qu'on m'accuse de maltraitance envers un enfant. Même le hall de l'immeuble est vide...nous nous dirigeons vers l'ascenseur qui ressemble plus à une prison de verre qu'à un ascenseur. On est arrivé au septième. Tiens ! Même le charmant voisin d'à côté n'est pas là, d'ailleurs il faudrait que je lui rende sa perceuse. Bien, invitons le gnome à entrer et le tour est joué.

Enfin, tout est en désordre...non ! Tout est bien rangé mais il y a beaucoup de livres, de partout ! S'il aime lire ça ira ! Mince je vais devoir acheter un autre bonzai...celui là rend l'âme c'est évident. A mon avis il me faudra une autre étagère. Je vais garder la perceuse encore un moment, finalement. Alors, où va-t-il bien pouvoir dormir ? Dans le canapé ? Oui il dormira dans le canapé. Je ne pense pas qu'il y verra un inconvenient. D'ailleurs je me tourne vers lui pour avoir son avis. C'est moi ou il a perdu sa langue depuis qu'on a quitté l'hôpital ? Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Les oreilles baissées ? Qu'est-ce qui lui prend ? Il avait l'air si sur de lui y a même pas une heure. Enfin bon...

"Je te laisse le canapé pour la nuit...le matin je me lève tôt alors tu devras te lever en même temps que moi...et heu...pour le diner c'est simple je ne cuisine pas alors si tu as faim...tu me le dis et je commande à manger...ou alors tout simplement tu te tais...ça me permet d'économiser comme ça. Tout ça te convient ?

"Je te laisse le canapé pour la nuit...le matin je me lève tôt alors tu devras te lever en même temps que moi...et heu...pour le diner c'est simple je ne cuisine pas alors si tu as faim...tu me le dis et je commande à manger...ou alors tout simplement tu te tais...ça me permet d'économiser comme ça. Tout ça te convient ?"

Nao leva la tête, les oreilles toujours baissées. De quel droit se permettait-il de lui parler comme ça?!
Il sentit que sa gorge était déséchée. De l'eau... Il mourrait de soif.
Il frissona. Tellement fort que sa queue brune de furet se dressa. Ses poils se hérissèrent sur sa peau jusqu'à la nuque, et le froid le parcourut juqu'à l'échine. Il ne faisait pourtant pas si frais!
Comment s'était-il démerdé pour se retrouver dans cette situation? Il ne connaisait rien de cette ville et de
ses habitants...
Cet homme l'intimidait décidément de plus en plus... Ses yeux dorés et perçants lui donnaient un air menaçant
et dérangeant. Yuki le regardait, l'air impatient, froid, en attente d'une réponse.
Et puis, que faisait-il avec un inconnu?! Habiter chez lui, quelle idée! Nao n'avait vraiment pas réfléchit à la question, et avait plaçé ça au tac-au-tac, mais il commençait à regretter...
Soudain, il remarqua. Un homme si grand avec quelqu'un de si jeune... Il ne savait pas se défendre, il devait le reconnaître. Et si c'était quelqu'un de mauvais? Et si il se servait de sa faiblesse d'enfant pour profiter de lui?
Oh non...Oh non...
Il n'eut pas le temps de réagir qu'il fut prit de vertige... Puis, une grande chaleur embeauma son corps. Sa cicatrice fut telle un éclair de douleur lui traversant l'épaule. Il ne pouvait plus bouger... Ses jambes ne pouvaient plus le porter.
La pièce tournait autours de lui, lui provoquant une nausée. Sa respiration devenait difficile et il sentit le rouge lui monter aux joues.
"J-...J'ai chaud..."
Et ses jambes, ne pouvant plus supporter son poid, le laissèrent s'affaiser sur le tapis crème.

Et dire qu'il avait la langue bien pendue à l'hôpital. Maintenant il joue au timide. Bon au moins j'ai l'impression que ce que j'ai dit la fait réagir...je pense. Je scrute son visage, il me semble qu'il panique. De quoi a-t-il peur ? J'espère qu'il n'a pas peur de moi, surtout vu la façon dont il m'a provoqué plus tôt. Bon aller c'est pas tout ça mais je pense que je vais aller...et le voilà qu'il fronce les sourcils. Il doit aimer m'embêter celui la. Qu'est-ce qu'il a encore...

Sa queue se hérisse, il doit avoir froid. Mais pourquoi ? Son regard est vague, les pupilles sont dilatés, son corps vacille légèrement. Mais il ne me répond pas, il est possible qu'il s'est assagi ?

"J...J'ai chaud"

C'est la seule chose qu'il réussit à dire avant de tomber sur mon tapis. Je crois que je vais aller mettre fin à mes jours dans l'immédiat. Jamais quelqu'un ne m'avait causé autant de problème. Je le relève donc et constate qu'il est fiévreux. Il fallait sans douter, il n'allait pas aller bien du jour au lendemain. Mais il aurait pu se tenir tranquille. Bon, vu qu'il à l'air mal, je l'emmène dans ma chambre, pour aujourd'hui j'aurais le canapé. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. Se soir je vais encore dormir tard je le sens...il est vraiment léger, c'est effrayant. Je me demande s'il pensait à manger avant.

Le voilà qui repose dans mon lit, une compresse froide sur le front. Je vais aller préparer quelques médicaments et aussi commander à manger. La meilleure idée serait de le ramener à l'hôpital, enfin bref pour aujourd'hui ça ira....

Nao se réveilla dans un dernier sursaut. Encore et toujours ce cauchemar. Il sentait qu’il n’allait pas le lâcher aussi facilement.
Il se sentait mal… Comme une sensation de vide dans la poitrine qui lui donnait la nausée. Il avait très froid, mais en même temps très chaud. Sans compter qu’il avait un effroyable mal de crâne et voyait double.
Le petit regarda autours de lui. Il était dans une chambre, ni trop petite, ni trop spacieuse.
Une frise chocolat ornait le haut des murs, tout comme pour le salon. Quelques plantes vertes décoraient l’intérieur (bien sûr, pas en très grande forme non-plu)
Quelques cadres photos étaient éparpillés sur la commode. Nao était trop loin pour les voir, et en même temps ses yeux embués de larme n’arrangeaient pas les choses
Encore et toujours des livres éparpillés partout : sur le pouf, mal rangés dans la bibliothèque, dans la penderie…
Sur le lit, tiens, il venait de remarquer, un grand lit deux places. C’était…Peut-être le siens ?
Il se sentit tellement gêné qu’une grimace se forma sur son visage
La porte s’ouvrit. C’était Yuki, un plateau avec posés différents flacons dessus.
« Ah tu es réveillé » déclara t-il sans aucun sentiment dans la voix
Il s’approcha du lit pour déposer le plateau sur une petite table de chevet. Il y avait aussi un repas qu’on venait sans doute de livrer. Nao observa la purée peu ragoûtante.
« J’espère que mon lit n’est pas trop inconfortable, à cause de toi j’ai été obligé de dormir sur le canapé ! » dit-il avec le ton le plus ironique qu’il soit.
Nao remonta la couverture jusqu’à son nez, sentant le rouge lui monter aux joues. Il était gêné…Trop gêné. Cet homme l’intimidait décidément trop.

J'avais commandé quelque chose pour le petit malade. Il devait reprendre des forces et se reposer, sauf que voilà, il a dormi dans mon lit et moi dans le canapé. Alors que ça aurait du être l'inverse. Mais qu'importe. Je me dirige donc vers ma chambre, depuis peu, salle de repos, pour lui apporter de quoi se nourrir. Je le vois assis en train de regarder tout autour de lui, comme s'il était perdu.

"Ah tu es réveillé", je dis alors que ses grands yeux sont rivés sur moi.

Je dépose donc le plateau et voix une lueur peu enthousiaste à la vue de la purée. Désolé de te le dire mon grand mais tu vas devoir te nourrir de ça désormais.

"J’espère que mon lit n’est pas trop inconfortable, à cause de toi j’ai été obligé de dormir sur le canapé !"

Je dois avouer que parfois j'ai la langue bien pendue. Parce que là, le pauvre semble intimidé au point de se cacher à moitié sous la couverture. Bon je dois revoir ma façon de me comporter après tout ce n'est qu'un enfant, il ne faut pas le brutaliser même si parfois il ne m'en laisse pas le choix. Pourquoi est-ce qu'il ne mange pas sa purée au lieu de la regarder ?! Souhaite-t-il me tourmenter encore longtemps comme ça ?

Je n'ai pas vraiment le choix apparemment. Je m'assois donc au bord de son lit, cuillère en main. D'un regard incrédule, il me questionne.

"Ouvre la bouche et ne me demande rien", je préviens en prenant le plat. "C'est pour ton bien."

Il n'a pas l'air de se laisser faire le petit. Je commence à perdre patience et redépose le plat.

"Bien apparemment t'es un grand garçon, pas vrai ? Lorsque je reviendrais, je veux avoir une assiette vide. C'est bien compris ?"

Je tourne donc les talons...

« A-Attends, Yuki! »


P-pourquoi avait-il bredouillé ça ?! En tendant le bras en plus… qu’il parte, ça serait le mieux ! Mais… Il ne savait pas pour quelle raison, quelle imbécillité l’avait poussé à crier son nom. Sa voix avait tremblé. Il en était sûr, Yuki l’avait perçut, cette pulsion hésitante dans la voix. Il se mordilla l’intérieur de la joue de frustration, comment allait-il réagir ?

Soudain, Nao se rendit compte, des larmes brûlantes et salées lui coulaient le long des joues. Mais quel imbécile !! Lui qui se retenait depuis le début !!
Il éclata en sanglot dans de petits hoquettements. Cet homme était son dernier recours. Il ne voulait pas revenir chez ces personnes cruelles qui ne se souciaient que des apparences !
Cela faisait bien 11 ans qu’il n’avait pas pleuré comme ça, et sa peine ne voulait pas s’arrêter, même avec tous les efforts du monde. Lutter ne servait à rien… A rien.

Nao se rappelait. Il se rappelait très bien de son premier jour de maternelle. La maîtresse, qui distribuait des bonbons à toute la classe en signe de bienvenue, s’était bien gardé de lui en offrir un. Cet évènement, qui peut sembler bien puéril, bouscula tout dans sa tête de petit garçon. Il était « différent ». Ce jour-là, l’institutrice avait marmonné une phrase, un ensemble de trois mots, si bête, si futile, Nao aurait très bien pu l’ignorer. Mais non, et ça restera à jamais gravé dans sa mémoire :
« Fils du diable »

Encore une qui avait eu vent des rumeurs.

Il se gratta ardemment les poignets. Ces cicatrices-là, elle vous colle toute la vie, et elles sont là, pour toujours te rappeler « Tes parents ne t’aiment pas ! Regarde ce qu’ils t’on fait.. Un compte à rebours, hein ? Pas étonnant que tu aies la phobie des baignoires ! »

Nao restait assis, à pleurer. Son cœur était noir, froid, sombre. Et personne ne l’aiderait.

Il m'avait crié d'attendre. Il avait appelé mon nom. Il avait été hésitant et peu confiant. Je me tourne alors vers lui dans l'espoir de comprendre ce qui lui arrive et je me rend compte que c'est justement cela qui lui manque. De l'espoir. Le bras tendu vers moi, le regard perdu...et puis une chose à laquelle je n'aurais jamais pensé se produit alors...des larmes courent sur ses joues à une vitesse étonnante, comme s'il s'était retenu depuis tout ce temps. Il éclate alors en sanglot et ce garçon me fait de la peine. C'étaient de vrais larmes, ce n'étaient pas des larmes de crocodiles, ce n'étaient pas des larmes qui disaient "regarde je pleure, occupe-toi de moi" non. Une aura de détresse émanait de lui.

Je ne sais vraiment pas quoi faire dans ce genre de situation, je n'ai jamais été confronté à ce genre de situation. J'ignore ce qu'il a vécu jusqu'ici mais si cela le fait autant souffrir qu'est-ce que je peux vraiment y faire ? Je ne suis pas bon psychologue. Je...je ne le connais même pas et il est possible qu'il ne connaisse personne à Hoshi. Que faire ? Je remarque qu'il frotte assez rudement ses poignets, poignets auxquels je peux distinguer des cicatrices. Des blessures du passé ? Il n'a pas l'air de vouloir s'arrêter. Ses pleurs chasse le silence de la chambre et je ne peux que me sentir mal devant tant de désarroi.

Alors je m'avance vers lui et m'assoie sur le lit tentant une approche maladroite pour qu'il se calme. Ce n'est pas mon genre d'abord de vouloir aider...enfin si mais...presque instinctivement j'essuie ses larmes avec mes pouces. Bon, il va se dire qu'au final je ne suis pas un monstre mais je ne peux pas non plus rester insensible face à un enfant qui a le cœur...complètement pulvérisé. Bien qu'il continue de pleurer, son corps tremblent, il lève ses yeux inondés vers moi, comme s'il tentait de me dire quelque chose à travers son regard. Ses yeux ocres croisent les miens et tout de suite je sais quoi faire.

" Tu peux rester autant que tu veux ici" je lui murmure alors tout en lui caressant le dos.

Embarrassé d'agir ainsi, je me lève aussitôt. Cela me fait tout drôle.

"Repose-toi...on parlera quand tu iras mieux" je termine avant de regagner le salon

" Tu peux rester autant que tu veux ici" 

La puissance des mots. Certaines personnes l'ignoraient parfois, mais elle était incomparable. Et une parole pouvait avoir une bien plus grande valeur que n'importe quel geste.

C'est ce qui passait ici.

Pour la première fois de sa vie, quelqu'un avait été gentil et prévenant envers lui.  C'etait un espèce de sentiment imperceptible et indescriptible.

"Repose-toi...on parlera quand tu iras mieux"

Yuki disparu dans le couloir, laissant Nao seul dans sa chambre. 
Il fut si gêné que sa figure vira au pourpre, il se sentait honteux et ridicule. Il exprima une moue boudeuse:

"Vieux shnock"

Abasourdit par sa première preuve d'affection, il essuya ses larmes d'un revers de manche.   Ensuite il se leva et pénétra dans le couloir. Il continua son chemin, évitant soigneusement la salle de bain et passa devant une porte ouverte. Il fit un pas en arrière, oui, c'etait bien ça.
Yuki dormait. Très profondément, sur le canapé. Une main pendante touchant presque le sol. Ses yeux fermés lui donnaient une impression de parfaite sérénité, comme si il était en pleins dans un beau rêve. Ses cheuveux formaient des bouclettes soyeuses qui lui chatouillaient le nez.
Nakao s'approcha à pas de velour. Il avait maintenant la tête juste au-dessus de lui. Le silence de la pièce pouvait faire entendre sa respiration lente de régulière
Et sa main. Elle était grande , munie de doigts fins et élancés. Ses ongles étaient transparents et brillants comme du crystal.
Nao remonta instinctivement la couverture qui gisait à moitié par terre. L'homme se retourna pour se mettre sur le flanc, le bras maintenant plié avec la main devant la bouche.

"Maintenant on est quitte." Murmura le garçon d'un air grognon.

Il sortit de la pièce pour se diriger vers une porte coulissante rouge vernie qui semblait mener à la cuisine.
A peine la fait-il glisser qu'un sac poubelle lui tomba dessus. Il y en avait aussi dans l'évier, par terre, sur la table, partout!
Nao restait interdit devant ce spectacle. Des mouches s'agitaient dans tous les sens, des assiettes cassées traînaient par terre, de la graisse s'était incrustée dans le mur et une forte odeur de brûlé se mélangeant au renfermé régnait dans l'air.
Un véritable "océan d'immondice"

"les apparences sont définitivement trompeuses" se murmura t-il pour lui-même.

Son ventre gargouilla bruyamment. Le petit garçon retroussa ses manches et prit une grande inspiration.

"Voyons voir où sont les casseroles"

Lorsque je l'ai quitté, je me suis laissé tomber sur le canapé, mes paupières étaient lourdes, j'avais faim et je crois bien m'être endormi. J'ai rêver de père, dans la maison où j'ai grandi mais ensuite c'est flou. Il fait chaud tout d'un coup, on dirait que le soleil est dans l'appartement...une odeur étrange me chatouille le nez...non, délicieuse. Je me demande ce que père cuisine...minute père est mort. Je me réveille alors. C'est moi ou tout parait flou ? Je me frotte les yeux puis me redresse sur un coude. Je vois d'où vient cette chaleur maintenant, la couverture glisse alors que je me redresse.

Des bruits de cuissons, de casserole et de je ne sais quel autre ustensile se fait entendre de la cuisine et de cette cuisine qui n'est autre que ma cuisine, s'échappe une odeur délicieuse qui me donne faim. C'est incroyable...le truc c'est que je n'aurais jamais engagé quelqu'un pour faire la cuisine...cuisine qui n'a plus servi depuis une certaine époque. Je fais coulisser la porte et j'aperçois avec grand étonnement Nao qui s'affaire aux fourneaux, on aurait dit un professionnel. En revanche...la cuisine aurait vraiment besoin...

"Tu as nettoyé qu'un côté de la cuisine ?" je demande sans crier gard.

Il sursaute. Puis me lance un regard qui se veut réprobateur. Mais qu'est-ce que j'ai fait encore ?

"Je n'allais pas cuisiner dans un bordel pareille !" il me répond avec cet air insolent.

"Bordel est un peu faible comme mot" je rectifie en m'appuyant contre le mur.

"Oui t'as raison" approuve-t-il avant d'ajouter, "c'est une vraie déchetterie, un tas d'immondice effroyable à faire vomir"

"N'en rajoutes pas ou je te fou dehors...non tu élira domicile dans cette pièce" je le menace légèrement amusé. "Sinon, on mange quoi ?"

J'ai comme l'impression que ma question le déstabilise...il aurait raté son plat ?

"N'en rajoutes pas ou je te fou dehors...non tu élira domicile dans cette pièce"

Ha! plutôt crever que de se taper le squat dans cette piaule dégueulasse, sérieux, depuis quand personne n'avait fait le ménage? Ce mec avait peut-être l'apparence du mec parfait, mais c'était loin d'être le cas en fin de compte. Il s'apprêtait à répondre quand Yuki dit quelque chose qui le déstabilisa:

"Sinon, on mange quoi ?"


Soudain, Nao se figea imperceptiblement... Il cuisinait souvent seul quand il était encore chez ses ordures de parents qui n'étaient même pas fichus de lui préparer la bouffe. Quand il était petit, c'était les nourrices ou les animatrices de crèches qui le nourrissaient... A contrecœur cela dit... Mais là, il avait carrément peur d'avoir raté son coup. Son manque de confiance en soi reprenait le dessus.

"Ben euh... J-J'ai préparé une salade garnie en entrée, une paella en plat principal et une île flottante en dessert... J-je sais que ça peut paraître simple, m-mais j'ai fais avec ce qu'il y avait dans le frigo.."

La gêne fut telle qu'il se mit à rougir inconsciemment. Il regardait maintenant ses souliers comment s'était-il retrouvé à faire la cuisine pour ce type?

Yuki se fraya un chemin parmi l'océan de détritus qui encombraient la cuisine.

"Voyons voir ça"

L'homme s'approcha de la casserole, prit une fourchette, la plongea dans le plat de riz pour la porter à sa bouche...

"Ben euh... J-J'ai préparé une salade garnie en entrée, une paella en plat principal et une île flottante en dessert... J-je sais que ça peut paraître simple, m-mais j'ai fais avec ce qu'il y avait dans le frigo.."

Qu'est-ce qui lui arrive tout d'un coup ? Qu'est-ce qui le gêne ? Bon je pense que je vais le laisser dans son délire et aller goûter ce qu'il prépare. Je tente de me faire un chemin parmi ce que l'on pourrait clarifier de détritus.

"Voyons voir ça" je dis alors vraiment intéresser.

Parce que pour être franc, ça sent super bon et mon estomac commence à gargouiller rien qu'à l'odeur. La paella a l'air vraiment délicieuse et l'île flottante est en train de me faire de l'oeil. Je crois que c'est la première fois je vais manger un vrai repas. Et la salade est tellement jolie que j'ai peur de la manger. Il a su jouer avec les couleurs. C'est incroyable...je ne le pensais pas capable de ça. Je pris alors une fourchette et la planta dans la paella.

"Hm, c'est bon", j'ai lâché ça comme ça, s'en y faire attention.

Puis, je tourne légèrement les yeux dans sa direction et je constate un léger sourire sur son visage. Je crois bien qu'il se force à rester neutre. Flattons-le pour voir.

"T'es un vrai chef Nao...je ne pensais pas que tu avais ce don...c'est vraiment merveilleux...un peu plus et je t'épouserais"

"Ta gueule n'en rajoute pas non plus !" me crie-t-il embarrassé.

Il aime pas les flatteries apparemment, même si le petit sourire qu'il tente de retenir le trahi un peu. Je crois que je vais m'amuser. Bref.

" Nao", je dis en reprenant un peu de paella, " à partir de maintenant se sera ta pièce"

"Quoi ?"

"Soit pas si surpris voyons tu le mérites bien...et heu...au passage tu nettoieras tout ça...c'est ton endroit maintenant..."

Et je le laisse là, dans ce qui sera bientôt une vraie cuisine.

"Quelle chance d'avoir un cordon bleu à la maison !"

Attendez, QUOI?! Cet énergumène comptait le laisser, LUI, qui vient tout juste d'arriver, nettoyer ce véritable bordel sans nom?!
Nao se mit à réfléchir. Comment dans une maison décorée avec autant de goût, pouvait-on retrouver cette pièce ? On dirait qu’un ouragan était passé par là !
Puis il se rappela de la façon… La façon comment… Il lui avait caressé le dos tout à l’heure.
Nao n’était pas habitué à ce genre de marque d’affection. Prit par ses pensées, il se mit à tourner rouge tomate puis se donna une claque.
Sans s’en rendre compte, dans sa colère, il avait déjà commencé à nettoyer la pièce
« Je..Je n’ai pas de pensée malsaine, vraiment, de quel droit se permet-il… Il a profité de mon moment de faiblesse pour.. »
Il s’arrêta, fixant ses deux poings en train d’appuyer sur un torchon qu’il serra encore plus.

C’était la première fois de sa vie qu’on lui avait fait un compliment. Il était à la fois heureux et triste. Cette étrange sensation venait du fait qu’il n’avait acquit ce don pour la cuisine seulement grâce à ses parents. Et, tout au fond de lui, il aurait voulu manger les plats que préparerait sa mère avec amour. Comme tous les autres enfants.
Il lâcha son bout de tissus blanc et déchiré par endroits pour pousser un long soupir.
Le gringalet frotta sa nuque avec sa paume d’un air gêné .Une expression boudeuse se dessina sur le visage rougissant du petit garçon

« Yuki no…baka ! »

J'ai hâte d'aller diner, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas manger un repas fait maison et qui avait l'air autant appétissant. Je crois que je suis quelqu'un de chanceux finalement. Et puis je pense que cette cuisine sera nickel au final...d'ailleurs j'ai faim, mais je dois d'abord finir de compléter mes dossiers avant d'aller manger. Mais ma curiosité est plus forte que jamais et j'ai envie de voir comment il s'en sort. Avançant à pas de loup jusqu'à la cuisine, je reste cacher derrière le mur et je le vois qui s'attelle docilement à la tâche et le mieux dans tout ça, c'est qu'il est minutieux.

"Il reste encore une tâche là sur le comptoir" je dis pour l'embêter un peu.
"Fait le toi même!" me réplique-t-il en balançant une éponge.

Y a pas à dire, il est de mieux en mieux. J'ignore pourquoi mais depuis qu'il est ici, j'ai l'envie de le taquiner. Ou alors ce n'est que provisoire, si je me montre trop gentil il va croire qu'il est chez lui. Bien, il a fini, on va pouvoir déguster le festin. Pour moi se sera toujours un festin de pouvoir bien manger. Il est évident que tous les deux nous mangeons chacun de notre côté. Pourquoi ? Parce que c'est ainsi point. Il n'arrête pas de jeter des regards vers moi, ça en devient ridicule je trouve mais qu'est-ce qu'il veut ?

"Tu veux quelque chose ?" je lui demande pas si gentiment que ça.

Il ne me répond pas et se concentre à nouveau sur son plat. Il est vrai que moi aussi je n'arrête pas de le regarder mais il faut dire qu'il a une frimousse marrante...qu'il est marrant quoi !

"Qu'est-ce qu'il y a petit ?"
"Je m'appelle Nao" il me répond agacé.
"Et bien Nao apparemment tu sembles vouloir venir te joindre à moi pour diner !"
"Absolument pas !"
"Et puis après tout ce n'était pas comme si tu avais connu le bonheur des repas de famille, hein?"

J'ai cru à l'instant qu'il allait répliquer mais non...il se retient apparemment.

"En parlant de famille..."

Oops je viens de mettre les pieds dans le plat, le regard réprobateur qu'il me lance veut tout dire mais une fois encore j'ai l'impression qu'il se retient...il me tourne même le dos...

"Qu'est ce qu'il y a, petit?"

Non mais il rigole? De quel droit se permet-il de l'appeler comme ça? Comme si ils étaient amis! hin!

"Je m'appelle Nao."

Il baissa la tête vers son assiette en fronçant les sourcils

"Et bien Nao apparemment tu sembles vouloir venir te joindre à moi pour diner !"

Raah ce qu'il l'agaçait!

""Absolument pas !"

"Et puis après tout ce n'était pas comme si tu avais connu le bonheur des repas de famille, hein?"

Nao s'arrêta. Il serrait les poings. Mais d'où se permettait t-il de lui dire ça? Ce n'était pas comme si il connaissait sa vie, ses parents, ni ce qu'il avait vécu! Ce qu'il avait enduré, Nao faisait tout pour l'oublier, et voila que ce crétin remettait le sujet sur la table.
Il se sentait blessé. Cruellement blessé.

"En parlant de famille..."

Le petit garçon tourna le dos au directeur de l'hôpital. Serrant les dents, il se retenait de faire appel à toute violence, qui, de toute façon, serait vaine.

"Comment.."

Yuki, lui, restait impartiale. Il semblait avoir comprit ce qu'il se passait.

Nao ne pouvait plus se contenir. Toute sa colère s'échappa soudainement

"Comment peux-tu me parler de ça alors que j'avais enfin trouvé une solution?!"

Maintenant, il hurlait. On pouvait entendre dans sa voix de la détresse mêlée à de l'agressivité. Tous ses membres tremblaient d'animosité.
Il était maintenant debout, le regard tourné vers l'homme.

"Une solution pour enfin les oublier!!"

Un bruit sourd se fit entendre. Le bruit de quelque chose qui se brise.
Un verre était tombé, répandant de l'eau sur le tapis crème du salon.

Aucun des deux ne parlaient, maintenant. La pièce était complètement silencieuse. Seule la respiration rapide et pénible de Nao, éssouflé d'avoir tant crié, était perceptible.

Le gringalet baissa les yeux et desserra ses poings. Toujours tremblotant, sa colère avait maintenant fait place à l'amertume.
Il s'avança vers la porte d'entrée, pour poser la main sur la poignée

"C'est bon, je ne t'ennuierai plus."

Nao ouvrit la porte. Il ne s'en souciait plus, maintenant, de ce qui se passait autours de lui, ce que l'on pouvait penser de lui. Si la fin du monde avait lieu maintenant, il ne s'en rendrait pas compte.

Il ferma la porte. Une larme s'écoula le long de sa joue. Nao se sentait pitoyable. Complètement pitoyable d'avoir fait confiance à quelqu'un comme ça.

"J'suis vraiment con, en fait." Pensa t-il à cet instant-là.

Le garçon marcha jusqu'à l'ascenseur de verre. Il s'y introduit d'un pas lent, mais manquant totalement d'hésitation.

La portière se referma.

Il n'y avait pas que ce verre qui s'était brisé. Au même moment, ce que Nao avait entendu, c'était surtout le bruit de quelque chose qui se brisait à l'intérieur de lui. Une seconde fois.

"Comment..."

Je me dit autant continuer, ça le fera peut-être parler. Mais je ne m'attendais pas du tout à ça...

"Comment peux-tu me parler de ça alors que j'avais enfin trouvé une solution?!"

J'ai légèrement sursauté, je ne pensais réellement pas qu'il allait réagir ainsi...

"Une solution pour enfin les oublier!!"

Sa voix résonne dans tout l'appartement...je me sens un peu bête maintenant...J'ai l'impression de voir le verre tomber avec lenteur et je perçois à peine le bruit du verre cassé. L'eau semble se répandre comme si c'était l'océan de larme qu'il refuse à verser. Aucun de nous deux n'osent parler désormais, seule la respiration saccadée et douloureuse de Nao se fait entendre...J'ai été sans doute un peu loin, cette fois...

Il baissa les yeux et se dirigea vers la porte d'entrée.

"C'est bon, je ne t'ennuierai plus."

Je le vois franchir la porte...et je ne fais rien pour le retenir, quelque chose me dit que c'est finalement une bonne chose...il sera mieux ailleurs, je l'ai vraiment poussé à bout...mais bon...quelque chose me dit que dit que je pourrais le regretter également...j'ai vraiment été con sur ce coup là...je crois bien que je m'en veux un peu...